Campagne Eveha 2021

Un document est proposé en fin d'article via un lien, pour chacune des figures mentionnées ci-après.


FOUILLE ARCHEOLOGIQUE RD 36

LES FONDS D’ORSIGNY , LES GRAVIERS DE VOISINS-LE-CUIT, LA MARE AUX RATS

VILLIERS-LE-BACLE (ESSONNE)

 

La fouille prescrite s’étend sur 4,5 Ha, répartis deux zones le long de la RD 36. La première, zone A, se divise en trois secteurs de part et d’autre du giratoire des 4 Noyers, au lieu-dit les fonds d’Orsigny. La seconde, zone B, se trouve 1km à l’ouest du giratoire, également traversée par la RD36, aux lieux-dits les graviers de Voisin-le-Cuit et la Mare aux Rats.

 

Objectifs de la fouille archéologique

- Déterminer la nature et la fonction de l’établissement gallo-romain dans la zone A, ainsi que l’origine de son implantation si possible. Définir son statut au regard des établissements contemporains répertoriés sur le plateau de Saclay.

- Définir une chronologie la plus précise possible des occupations successives afin de déterminer l’existence de hiatus chronologiques, et établir d’éventuels liens avec le phénomène d’émergence des villages voisins.

- Rechercher les éléments susceptibles d’expliquer la création de la nécropole du secteur A1 à cet emplacement, mettre en évidence le mode d’organisation des sépultures, les rituels mis en œuvre, les aménagements funéraires et procéder à l’étude biologique de la population inhumée.

- Étudier les rapports entre les pôles funéraires et les pôles d’habitat afin de tenter de distinguer d’éventuels groupes sociaux.

- Déterminer si possible les raisons de la permanence de l’habitat médiéval et la fin de l’utilisation de la zone cimétérale.

- Déterminer la chronologie, des occupations des lieux-dits les Graviers de Voisin-le-Cuit et la Mare aux Rats en zone B, et procéder à des comparaisons fines avec l’habitat des Fonds d’Orsigny (zone A).

 

Fig. 1Localisation du site sur fond cadastral. Source : Geoportail. DAO : E. Degorre, © Éveha, 2021.

  

 

PREMIERS RESULTATS

 par N. Arandel, J. Brenot, R. Blondeau, F. Buffet-Desfard, M. Deschamp, A. Lebrun.

   

ZONE A

 

La zone A se subdivise en trois secteurs répartis de part et d’autre du rond-point des quatre noyers : le secteur A1 au sud, le secteur A2 au nord-est, et le secteur A3 au nord-ouest.

 

Fig. 2plan général des zones A1 et A2. DAO : E. Degorre, © Éveha, 2021.

Fig. 3plan général de la zone A3. DAO : E. Degorre, © Éveha, 2021.

 

Antiquité

Secteur A1

Le secteur A1 a livré la suite des vestiges de l’occupation antique déjà perçue en 1989-1990 à l’occasion de travaux de modification du tracé de la RD 36, menée par Daniel Giganon pour l’association archéologique du CEA de Saclay. Ils consistent en un bâtiment qui semble avoir connu plusieurs réfections (la stratigraphie des murs est en cours d’étude), qui pourrait être associé à un ou plusieurs fossés de même orientation et une fosse d’extraction.

L’occupation du bâtiment antique se présente sous la forme de 3 états. Un premier état voit la construction et une première occupation de l’édifice, autour de la fin du IIIe siècle ou du début du IVe siècle (datation proposée dans le rapport de fouille de D. Giganon). Un deuxième état témoigne d’un réaménagement du bâtiment, et un dernier état marque la destruction et l’abandon de l’édifice.

Deux, voire trois fossés longent le flan est du bâtiment et pourraient s’apparenter à une limite d’enclos de pars rustica. Au sud-ouest du bâtiment, un alignement de petits fossés aux extrémités bien définies, parallèles les uns aux autres et de même orientation que le bâtiment et ses fossés attenants, correspondraient à des cultures nécessitant un entretient régulier, contrairement aux cultures céréalières, d’où sa proximité avec le bâtiment dont la fonction serait alors agricole, et non cultuelle, comme suggéré lors de la première opération de fouille en 1990.

 

• Secteur A2

Les vestiges antiques mis au jour en zone A2 semblent être la continuité de ceux fouillés en zone A1. Le réseau parcellaire et fossoyé se poursuit, et un bâtiment, l’UA 08, se dessine au nord-ouest de celui mis au jour en zone A1 (UA 04). À proximité du mur est de l’UA 08, orienté nord – nord-est/sud – sud-ouest, on retrouve un puits en partie dégagé lors du diagnostic. À l’ouest, dans l’enceinte du bâtiment et contre le mur ouest, de même orientation que le précédent, se trouve une cave avec un escalier d’accès dont deux marches, constituées de blocs grossiers, sont conservées. Les murs sont mal conservés, sur une assise tout au plus. Quelques tranchées de récupération arasées se devinent, néanmoins le plan général reste lacunaire, d’autant plus qu’une partie de l’édifice se trouve vraisemblablement en dehors de l’emprise de fouille prescrite. Le mobilier archéologique mis au jour sur le bâtiment provient en très grande partie du comblement de la cave (fragments de tuile, céramique, un peu de verre, deux monnaies et deux épingles en os), toutefois du mobilier a pu être mis en évidence dans le blocage des murs, ce qui n’était pas le cas pour l’UA 04 en zone A1. Un puits se trouve à l’est du bâtiment et lui est très certainement associé.

Une vaste structure, présentée comme une mare ou petite dépression lors du diagnostic et qui a livré de la céramique antique et du mobilier mérovingien, se situe à l’est du bâtiment, dans le prolongement de l’axe nord-est/sud-ouest formé par l’UA 04 en zone A1. Deux tranchées, l’une le long de la berme sud et l’autre orientée nord-est/sud-ouest, ont mis en évidence une large cuvette d’environ 25 mètres sur 15 mètres dont les bords sont en pente très douce. Son comblement est constitué en partie par une grande quantité de blocs et de tuiles antiques. Sous les niveaux de démolition, on note la présence d’au moins un petit bâtiment sur 6 poteaux (l’un d’entre eux semble avoir été fortement perturbé par l’un des drains contemporains), pour le moment attribués au haut Moyen Âge.

 

Fig. 4Vue de la cave antique. photo : Équipe de fouille, © Éveha, 2021.

 

Période mérovingienne

Secteur A1

Des éléments attribuables à la période mérovingienne ont été perçus lors du diagnostic archéologique. Il s’agit principalement de fossés et quelques trous de poteaux mis au jour dans la partie sud du secteur.

 

Secteur A2

Un pôle d’activité alto-médiéval a été mis au jour dans le dernier quart est de l’emprise. Il présente une forte concentration de trous de poteaux ainsi que plusieurs structures de combustion, dont une série de fours en batterie. Lors du diagnostic, les structures testées ont livré une dominante de tessons de céramique attribuables aux VIe-VIIe siècles. La présence de scories dans les comblements de certaines structures confirme l’hypothèse d’une activité de réduction de minerai dès la période mérovingienne.

Une batterie de fours a été fouillée, et plusieurs prélèvements en vue d’une analyse archéomagnétique ont été effectués sur la sole de l’un d’entre eux par Yves Gallet, de l’Institut de Physique du Globe de Paris. Si les échantillons prélevés sont en bon état, les résultats de l’analyse archéomagnétique permettront, par comparaison avec une échelle de données de référence, de déterminer approximativement la période d’utilisation du four.

 

 

Période carolingienne

• Secteur A1

La nécropole, attribuée à la période carolingienne, a livré 259 sépultures.

Si les fouilles de 1989-1990 avaient avancé l’hypothèse d’une organisation développée autour du bâtiment antique, le décapage extensif du secteur A1 permet d’ores et déjà de nuancer cette approche. Le bâtiment pourrait en effet indéniablement avoir attiré l’implantation de sépultures par sa fonction de carrière à ciel ouvert, permettant la récupération des pierres nécessaires au calage des coffrages en bois. Cependant, le plan général semble à présent dessiner une longue bande formée de plusieurs lignes et rangées de tombes et s’étalant du nord-ouest au sud-est, qui pourrait se développer le long d’un ancien axe de communication ou un découpage parcellaire.

Malgré quelques variations, les pratiques funéraires se révèlent homogènes et semblables à ce qui s’observe généralement à la période carolingienne : les individus sont étendus sur le dos, tête à l’ouest. Ils sont déposés habillés, dans des coffrages en bois, calés à l’aide de pierres et fermés d’un couvercle. Plus rarement les défunts sont enveloppés dans des linceuls et déposés à même la terre.

Le mobilier funéraire est très rare (seules deux agrafes de vêtement, une perle en céramique et deux vases ont été mis au jour), ce qui limite actuellement la précision de la datation de ces tombes. L’hypothèse de sépultures carolingiennes (au vu du mode d’inhumation et de la stratigraphie observés) reste pour le moment privilégiée.

La population inhumée et fouillée se compose d’adultes des deux sexes, et d’environ 1/3 d’enfants (ces dernières étant dans des zones plus hautes, il est probable qu’un certain nombre de sépultures d’immatures aient été arasées au fil du temps pour finalement disparaître).

 

Fig. 5Sépulture avec traces de coffrage. photo : Équipe de fouille, © Éveha, 2021.

 

XIe-XIIe siècles

Secteur A1

Un enclos circulaire d’une trentaine de mètres de diamètre a été mis au jour dans la partie ouest du secteur en cours de fouille. À l’intérieur, au moins deux bâtiments de terre et de bois ont pu être identifiés grâce à des alignements de trous de poteaux, formant les fondations du bâtiment. Toutefois la densité de trous de poteaux à l’intérieur de cet enclos laisse supposer des réaménagements successifs.

La fonction première de l’enclos pourrait être uniquement ostentatoire, pour une petite élite locale, ce dernier étant moins vaste que d’autres trouvés sur le plateau de Saclay (1200 m² seulement).

Une grande quantité de scories rejetées dans le dernier comblement du fossé d’enclos côté ouest est l’indice d’une réoccupation plus tardive de cette zone en pôle d’activité métallurgique. Si les zones d’extraction ne sont pas identifiées pour l’instant, les scories retrouvées témoignent d’une forte activité de réduction de minerai. Au moins un four, dont la vocation artisanale doit encore être vérifiée, a été vu lors du décapage.

Le mobilier céramique semble confirmer une occupation dense à cette période, au niveau de l’enclos et sur l’ensemble de la parcelle fouillée. Le panel de structures attribuées à cette période est plutôt représentatif des habitats ruraux : greniers sur poteaux, silos, fonds de cabanes.

Un puits comblé de pierres a été mis au jour au sud du site. Le fond de la structure n’a pas été atteint pour des raisons de sécurité.

Quelques soles de structures de combustion ont été mises au jour. Les élévations de ces structures ne sont pas conservées. Des zones de rejet comprenant des scories contiennent également des petits fragments de parois rubéfiées, certains étant encore agglomérés à des scories. Ces derniers éléments témoignent de la présence de bas fourneaux, qui, jusqu’au début du XIIIe siècle, sont principalement des constructions temporaires, détruites à chaque utilisation pour en récupérer le métal produit.

 

Secteur A3

Le secteur A3 a livré principalement des éléments correspondant aux XIe-XIIe siècles. Les structures mises au jour témoignent de la présence d’au moins un bâtiment sur poteaux et d’un fond de cabane fouillé lors du diagnostic archéologique. L’essentiel de la surface de ce secteur est occupé par deux mares recoupées par une série de fossés, qui n’ont livré que très peu de mobilier archéologique. Il est probable que les mares et le bâtiment sur poteaux aient été contemporains, et que cette mare ait contraint l’habitat dans la partie est du secteur.

 

Période contemporaine : la tranchée d’infanterie 14-18 (J. Brenot)

Il s’agit ici d’une tranchée appartenant au camp retranché de Paris, figurant sur la carte du CRP réalisée en 1915 (document conservé au Service Historique de la Défense).

La fouille a montré que cette structure est constituée d’une tranchée continue et longue d’environ 150 mètres linéaires. Dans sa partie occidentale, elle se caractérise par un fossé à profondeur variable (de 50 cm à 1 m de profondeur sous la surface de décapage et large d’une quarantaine de cm à la base) à au moins quatre segments linéaires de 20 m articulés en chicanes. Dès le franchissement de la dernière chicane, la tranchée se poursuit en direction de l’est selon un tracé quasi-rectiligne. Les constructeurs ont aménagé le bord sud avec un dispositif de tir composé d’une marche de tir continue située à quarante centimètres au-dessus de la tranchée de circulation elle-même prolongée de postes de tir creusées à intervalles régulières de 2 mètres, permettant au soldat d’infanterie de faire feu en direction du versant sud.

Cette architecture standardisée est soutenue par la mise en œuvre d’un coffrage de la tranchée de circulation en matériau périssable (clayonnage ou grillage ? Plus vraisemblablement des planches) et renforcé par la présence de piquets bien identifiés aux angles des postes de tir, sur la marche de tir, ainsi que le long des parois de la tranchée de circulation. Ces piquets sont reliés les uns aux autres par des tirants constitués de bobine de fils de fer enroulés autour et entre les piquets, puis vrillés avec un outil permettant de créer la tension suffisante pour la stabilisation des parois. Si ce dispositif est bien identifié à la base de la tranchée, les architectures sommitales sont inconnues (coffrage ? parapet et parados ? gabions ? Etc.).

Il est important de noter que l’organisation générale de cette tranchée est d’abord adaptée au tracé de l’ancienne route située au sud, puis une adaptation au substrat géologique est envisagée en raison de la présence de cailloutis et de blocs siliceux comme encaissant de la tranchée en chicanes (des blocs entaillés par les constructeurs ont été identifiés). La tranchée de tir et ses architectures se développent lorsque les limons de plateaux deviennent le substrat principal dans la partie orientale du site. L’extrémité orientale ne présente pas de dispositif avéré permettant aux soldats une évacuation en cas d’assaut ennemi, ou bien ce dispositif n’est plus visible (échelles en bois ?).

Aucun autre aménagement secondaire n’a été identifié ni dans la tranchée ni sur le site. Le mobilier récolté est composé des tirants en fil de fer, d’un bouton militaire réglementaire, d’un bouton en os, d’une boîte de sardines, d’un fer à cheval, d’une possible boîte de conserve, de deux fragments de possibles fusées lumineuses, de quelques fragments osseux de faune, de fragments d’éléments métalliques indéterminés, enfin de rares tessons de céramiques contemporaines et fragments de verre sans relation avec l’occupation militaire du site.

 

Fig. 6Vue d’un pas de tir avec . photo : Équipe de fouille, © Éveha, 2021.

 

ZONE B

 

La zone B se subdivise en trois secteurs : Le secteur B1, au sud de la RD 36, et les secteurs B2 et B3, au nord-ouest et au nord-est de la RD 36.

Fig. 7plan général de la zone B1. DAO : E. Degorre, © Éveha, 2021.

Fig. 8 plan général de la zone B2. DAO : E. Degorre, © Éveha, 2021.

Fig. 9plan général de la zone B3. DAO : E. Degorre, © Éveha, 2021.

 

Antiquité ?

Secteur B1

La moitié ouest du secteur B1 a livré plusieurs fossés aux comblements difficiles à discerner de l’encaissant. Ce « lessivage » des comblements associé à des traces éparses de mobilier archéologique antique pourrait témoigner de la présence d’un réseau parcellaire ancien, sans que nous puissions l’affirmer avec certitude à ce stade de la fouille. Un alignement de trous de poteaux, d’une longueur de 70 mètres, et parallèle à l’un des fossés pourrait faire partie d’un dispositif antique.

 

XIe-XIIe siècles

Secteur B1

Un chemin longeant la parcelle de fouille au sud-est du site, puis remontant vers le nord-ouest, encadre un habitat constitué de bâtiments sur poteaux et d’architecture de terre et de bois, ainsi que deux fossés au moins esquissant la forme d’un enclos. La disposition générale des trous de poteaux semble indiquer pour les bâtiments une orientation plutôt est-nord-est/ouest-sud-ouest. On retrouve dans cet espace une large structure en demi-lune, qui aurait pu faire office de fumière ou d’abreuvoir (la fouille de celle-ci nous permettra de le déterminer). Les comblements de plusieurs structures, qui ont livré une quantité importante de scories et de fragments de terre rubéfiée, témoignent, à l’instar des vestiges découverts en zone A1, de la présence d’au moins un atelier de réduction de minerai.

Au nord-ouest de l’axe formé par le chemin médiéval, nous retrouvons d’autres éléments caractéristiques du Moyen Âge central : un grenier sur six poteaux, plusieurs fosses, et un possible fond de cabane. Ces derniers font directement face au regroupement de structures retrouvées sur le secteur B2.

 

Secteur B2

Ce secteur, couvrant une petite surface de 2385 m² environ, présente des vestiges en creux de type « trous de poteaux », fossés, fonds de cabane, fosses, et la suite du chemin médiéval orienté nord-sud. Une sépulture a également été mise au jour à proximité du chemin. Le système fossoyé sur cette zone est complexe, et présente plusieurs orientations témoignant d’au moins deux phases d’occupations dans le temps. La partie ouest de la parcelle a livré un nombre significatif de trous de poteaux, indiquant la présence d’un ou plusieurs bâtiments. Un fond de cabane, au sud indique la présence ici d’une aire à vocation artisanale (activité de tissage et/ou filage). Plus à l’est, presque contre le chemin nord-sud, une dépression – dont la nature anthropique ne peut être démontrée à ce stade de la fouille – aux premiers comblements très argileux et hydromorphes est recoupée par plusieurs fosses très charbonneuses qui ont livré une grande quantité de scories.

Les très nombreux drains agricoles présents dans les niveaux de sols sous la terre végétale ont fortement perturbé la lecture de certaines zones.

 

Période contemporaine : la tranchée d’infanterie 14-18

Secteur B3 (R. Blondeau)

La tranchée d'infanterie présente une architecture standardisée. Elle est constituée d'un accès au nord (fouillé au diagnostic), d'au moins huit pas de tir sur son tracé nord-sud (un sondage mécanique du diagnostic ayant été réalisé au niveau de la courbure) et de 5 pas de tir sur son tracé NO-SE. Comme pour la tranchée ST. 260 de la parcelle A1, cette structure présente des profondeurs variables, car suivant un pendage du nord vers le sud correspondant au pendage du versant et d'une profondeur constante pour la partie sud. Chaque pas de tir est disposé à une distance d'environ 0.90 m les uns des autres ce qui indique une position assez resserrée. Le profil de la tranchée ST8004 est similaire à la tranchée ST260. Il se compose d'une tranchée de circulation à parois verticales et fond plat d'une largeur de 0.40 à 0.50 m, d'une banquette longiligne côté ouest d'une largeur d'environ 0.50 m et se développant à une hauteur de 0.3 à 0.4 m au-dessus du fond de tranchée et de pas de tirs probablement en « station debout » d'environ 1 m de profondeur avec la largeur de la banquette, pour environ 1.5 m de large. Avec ces dimensions, les pas de tir pouvaient ainsi accueillir deux tireurs. Les dimensions varient légèrement en fonction de la présence des affleurements des blocs siliceux. Au niveau de la courbure de la tranchée vers le sud-est, les soldats ont rencontré des blocs de grandes dimensions sur 3 m de long pour 0.70 m de profondeur. Il semblerait qu'ils se soient contentés de suivre la roche, l'identification de traces de taille du bloc n'est pas avérée.

Deux aménagements de dos (côté est) situés à environ 8.5 m et 7 m de part et d'autre du « puits » ont été fouillés. Bien qu’arasés, ces aménagements pourraient être interprétés comme des abris de repos, ou emmarchement de sortie.

La structure 57.2 interprétée en puits lors du diagnostic, a fait l'objet d'une réouverture. Cette structure numérotée 8007 à la fouille, se présente sous la forme d'une structure de plan quadrangulaire à parois verticale. Le fond n'a pas été atteint. Le comblement est composé de blocs de pierre et comporte également de rares fragments de drains céramiques. En surface, un fragment de plaque de fer pourrait appartenir à un élément de protection militaire (fragment de plaque de tir ?). Cette structure est située en bordure est de la tranchée, creusée dans l'argile jaune orangé, elle présente des caractéristiques hydrauliques. Les blocs de pierre ont été disposés sur la technique du « puits perdu », avec absence de sédiment ou de liant, afin de préserver des espaces vides laissant la possibilité à l'eau de circuler. Cette structure, située au niveau du changement d'orientation de la tranchée, n'est pas sans rappeler une structure identique rencontrée en parcelle A1, la structure 1927. Il pourrait s'agir d'un système de puisard par évacuer l'eau de la tranchée pendant les périodes d'intempéries.

Contrairement à la tranchée du secteur A1, seuls deux éléments de tendeurs métalliques pour la mise en œuvre de coffrages ont été découverts dans le comblement supérieur de la tranchée en zone nord, et aucuns trous de piquet n'ont été observés. Cela s'explique probablement par la différence du substrat qui est beaucoup plus stable en raison de la présence des pierres dans une matrice argileuse.

Deux types d'aménagements ont été identifiés dans la tranchée. Il s'agit d'éléments de récupération opportuniste. Des drains en céramique ont été disposés empilés sur une seule longueur de tuyau dans la tranchée à intervalle de 3 à 4 m de distance jusqu'à hauteur de banquette et pas de tir. Il s'agit probablement d'aménagement pour garder les pieds au sec lors des épisodes de pluie. Une pierre plate a été disposée à plat sur un des postes de tir, probablement pour ajuster le poste à la taille d'un soldat.

Le mobilier récolté en plus de la gamelle émaillée découverte au diagnostic, se compose d'une marmite en tôle émaillée et poignées hautes en fer, présentant les mêmes couleurs d'émaillage rouge externe et bleuté interne. Des fragments de verre à boire, des fragments de bouteille en verre, quelques tessons de vaisselle complètent le lot du mobilier de tranchée. Des fragments de drains, d'ardoises et d'objets en fer, mais également de la céramique médiévale et un éclat de silex taillé confirment la présence de mobilier intrusif lors de la remise en état du champ. Aucune munition ni éléments d'uniforme n'ont été découverts, ce qui s'explique facilement par l'absence de combat sur le secteur.

La fouille de la tranchée d'infanterie de la « mare aux rats » n'a permis de documenter qu'une section de la tranchée, puisque cette dernière se prolonge vers le sud-est, probablement sur l'alignement de la route. Elle permet de confirmer les hypothèses développées lors du rapport de diagnostic et de la prescription. Le modèle architectural est identique à la tranchée de la zone A1, avec tout de même un dispositif de tir sur deux orientations et une adaptation opportuniste avec les éléments disponibles dans l'environnement avec les drains et les pierres.

 

Fig. 10 Vue de l’un des sondages avec récupération de drains. photo : Équipe de fouille, © Éveha, 2021.

 

Après la fouille

 

Une fois le travail de terrain terminé, tout un processus de traitement des données et d’analyse va se mettre en place pour permettre la réalisation du rapport final d’opération.

Une première étape de « post-fouille » sera réalisée immédiatement après la fouille : il s’agit de la prise en charge du mobilier archéologique et de son nettoyage (lavage des ossements, de la céramique, séchage et stabilisation des objets métalliques, tamisage des prélèvements de terre faits dans les structures archéologiques, etc). En parallèle, toute la documentation réalisée sur le terrain (photos, fiches de description des structures, dessins des structures archéologiques) va être revérifiée, triée, et inventoriée.

Une seconde étape va consister en une répartition du mobilier archéologique entre les différents spécialistes : céramologues, anthropologues, spécialistes du petit mobilier métallique, carpologues, numismates, etc. Toutes ces personnes vont étudier, selon leurs spécialités chrono-culturelles, les objets et éléments architecturaux propres à leur discipline. En mettant en commun leurs travaux, il sera possible d’établir d’une part une chronologie de l’occupation humaine sur les zones étudiées, et d’autre part d’émettre des hypothèses concernant le niveau de vie des populations ayant vécu ici et les activités pratiquées par ces dernières au fil des siècles. Ces éléments seront complétés par une étude d’archives et par des analyses effectuées dans des laboratoires extérieurs (C14, datation par archéomagnétisme, etc). Dans un même temps, les structures dessinées sur calques à l’échelle 1/20e seront redessinées sur ordinateur et recalées dans un système d’information géographique (SIG). Le plan issu de ce travail de recalage servira de base pour établir une carte de l’occupation du site période par période, et de mettre en évidence (par le biais de la disposition des trous de poteaux, l’orientation des fossés, etc.) les bâtiments et l’organisation spatiale du site.

Enfin, après ce travail d’analyse, le rapport de fouille pourra être rédigé, en incluant les conclusions de chaque participant au travail de recherche. Le site sera comparé à d’autres exemples régionaux, et plusieurs hypothèses d’interprétation seront émises (il faut garder en tête que ces travaux de recherches témoignent d’une interprétation à un instant « T », et qu’à l’avenir, d’autres études menées par d’autres chercheurs permettront d’infirmer ou affiner les hypothèses posées aujourd’hui).

À l’issue de ce travail de rédaction, le rapport de fouille sera soumis à une relecture par l’une des commissions territoriales de la recherche archéologique, constituées chacune d’une dizaine de membres issus de différentes institutions/services archéologiques, et reconnus pour leur compétence dans leurs domaines scientifiques respectifs en archéologie. La CTRA émettra un avis sur la pertinence du rapport, et en soulignera les éventuelles lacunes, points à approfondir, ou éléments méritant une publication dans une revue spécialisée.

L’ensemble du mobilier archéologique sera remis au service régional de recherches archéologiques (SRA) à l’origine de la prescription de la fouille, ainsi que toutes les données numériques et papier issues de la fouille. Bien que le propriétaire du terrain où les fouilles ont été réalisées soit en droit de demander à garder la moitié des artefacts issus de la fouille, il cède en règle générale sa part à l’État, qui doit mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne conservation de ces vestiges

 

Nos remerciements à Madame Marie Deschamp (Sté Eveha), responsable de ces fouilles et rédactrice de cet article, qui a autorisé sa publication sur notre site internet.

 

Fouilles effectuées d'avril à novembre 2021